112 km, 6470 m D+, 7630 m D- ,17h34
C'est drôle de raconter cette course exactement 7 mois plus tard, mais cela me rappelle des souvenirs qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire. C'est l'histoire de ma première course internationale.
Tout a commencé après ma victoire au Méga Trail 110 km de Québec en juillet 2019, où le prix pour le gagnant était une invitation au Grand Raid de la Réunion. Sans hésitation, je me suis lancé dans l'aventure ! Au début de 2019, alors que j'en étais seulement à ma première année de trail, je prévoyais rester au Québec pour voir comment je me débrouillais dans ma province avant de m'aventurer au niveau national ou international. Cependant, mes objectifs ont changé et mon entraînement s'est désormais concentré sur le Grand Raid qui aura lieu en octobre.
Avant la course
J'ai eu la chance de rejoindre l'équipe des Grand Raid Warriors représentant La Clinique du Coureur, et nous avons passé un séjour mémorable qui sera difficile à battre ! Nous avons loué des camions ce qui nous a permis de nous diviser en petits groupes en fonction de ce que nous voulions faire dans la journée ! Lors des premiers jours sur l'île, j'ai eu la chance d'explorer différents sentiers pour me familiariser avec le terrain technique de La Réunion. J'ai été éblouie par les paysages enchanteurs : Maïdo, sentier des Galets, canalisation des Orangers, piton de la Fournaise, sentier du Zèbre à l'Entre-Deux, les multiples cascades, les visites des marchés, la plage... Je suis tombée sous le charme avec l'île !
Quelques jours avant la course, nous avons calmé nos nerfs et sommes passés en mode course et préparation pour préparer le départ. La veille de la course, nous avons reçu nos dossards, nos balises GPS et les fameux maillots que nous devions porter au départ et à l'arrivée de la course. Nous étions 2 Québécois, Elisabeth Cauchon et moi sur le Trail de Bourbon, qui est la course sœur de la Diagonale des Fous.
"Nous avons passé un séjour mémorable qui sera difficile à battre !" -Anne Champagne
Notre départ était vendredi à 21h tandis que le départ de la Diagonale, la course reine, et de la Mascareigne, la 3ème course du Grand Raid, s'est élancé jeudi soir. Nous étions les seuls membres de l'équipe à rester à l'hôtel, à nous reposer et à suivre le départ de la course en direct à la télévision.
JOUR DE COURSE
Le jour J, j'ai bien préparé mon matériel et mes sacs à ravitos. Je me suis reposé dans le bus qui nous emmenait au départ de la course qui se trouvait à Cilaos, le point central de l'île. J'étais si calme. Je souriais. J’étais prêt physiquement et mentalement.
A 21 heures, le départ a été lancé par les paroles de l'animateur Ludovic Collet au son de la musique et du feu d'artifice. Il y a eu un départ groupé car nous sommes tous allés vite pour nous débarrasser du peloton. 1300 personnes au total étaient déterminées à conquérir La Trail de Bourbon.
Rapidement, les sons de la musique et des acclamations s'estompent pour nous laisser affronter la première ascension, Le Bloc, qui nous mène à la Caverne Dufour, le gîte du Piton des Neiges, point culminant du parcours à 2500 mètres. J'ai terminé 40ème au général sur ce ravito. Je me suis rappelé de rester calme et d'avancer à mon rythme pendant la nuit car je sais que je suis un casse-cou et je ne voulais pas risquer de me blesser en début de course. J'ai appris après ma blessure à Harricana comment mieux gérer le risque. Dans la nuit, j'ai réussi à remonter au classement et j'ai pris la tête de la course féminine vers le km 30.
J'ai vécu un moment assez magique à 4h du matin, au km 45, à Marla. Il faisait froid, proche de 0 degré, et il y avait du givre au sol. Le ciel était nuageux, mais la lune éclairait le chemin. J'étais dans ma bulle ; J'avais l'impression de voler. J'étais désormais 11ème au classement général. J'ai continué mon chemin à un rythme très soutenu sans me fâcher. C'est à Roche Plate, petit village au cœur du Cirque de Mafate, que se croisaient les itinéraires de La Diagonale des Fous et du Trail de Bourbon.
C'était bientôt le lever du soleil, et le deuxième pour les fous qui faisaient face à la Diagonale. Certains faisaient le plein, certains dormaient et certains étaient en route. Le lever du soleil est comme une renaissance, un second souffle. Je fais le plein et entame la grande ascension vers le Maïdo. C'était difficile, mais je souriais toujours car je savais qu'après cette montée, il nous restait une longue descente de 20 km pour sortir du Cirque.
Nous avions la possibilité d'avoir un sac de ravitaillement au Maïdo, j'ai donc changé de chaussettes et de chaussures et j'ai rapidement repris la route. Je m'étais dit au début d'être cohérent pendant la nuit, mais quand le soleil a montré le bout de son nez, il était temps d'« activer les bœufs ». De plus, avec une si belle descente combinée à ma force, je suis parti à toute vitesse.
"C'était motivant de rencontrer du monde après avoir passé la nuit presque entièrement seul." Anne Champagne
C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que j'étais 6ème au classement général. C'était motivant de rencontrer du monde après avoir passé la nuit presque entièrement seul. Arrivé au km 80, sur Savannah Island, les cameramen et les journalistes étaient là, et j'ai été pris de court par leurs questions. J'avais une belle énergie, j'ai géré ma gestion de course, mon rythme, mon hydratation et mon alimentation. Au km 91, à Possession, j'ai vécu un autre moment mémorable qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.
C'était la première fois que je voyais des gens de l'équipe des Grand Raid Warriors qui revenaient sur le parcours pour nous encourager. L'un d'eux, Albert Carrere, physiothérapeute en Espagne, m'a beaucoup surpris et m'a beaucoup aidé. Sans même me le demander, il m'a assisté pendant les derniers kilomètres de course comme un système de soutien alors que je n'avais rien demandé ! J'étais dans une situation difficile à ce moment-là et il a fait la différence dans ma course en me donnant un regain d'énergie, en m'aidant et en me racontant ce qui se passait dans la course avec les autres coureurs. J'ai aussi vu mes amis, le père et petit ami d'Elisabeth, ainsi que Caroline Côté, qui était là pour filmer l'aventure des Warriors. Elle a su me dire les bons mots au ravito de la Grande Chaloupe au km 101.
"Les cris d'encouragement, toutes les personnes présentes... Je volais !" Anne Champagne
Je suivais un caméraman à vélo lorsque j'aperçois au loin Olivier Gagnon et Nicolas Fréret, tous filmant mon arrivée. En entrant dans le stade, Jeff Cauchon m'a remis le drapeau des Grand Raid Warriors que j'ai hissé en l'air. Les cris d'encouragement, toutes les personnes présentes, Ludovic Collet, disant "Poupon face !"... Je volais ! J'ai franchi la ligne d'arrivée en 17h34, battant mon ancien record de 1h20. J'ai souri encore et encore. Je ne pense pas avoir vraiment réalisé ce qui se passait : un mélange de fatigue, de joie et d'autres émotions intenses !
Après les entretiens et le contrôle antidopage, j'ai retrouvé la belle gang de La Clinique du Coureur en attendant l'arrivée des autres coureurs.
En rentrant à l'hôtel, après une douche et un peu de repos, j'ai appelé mes parents qui pleuraient de joie. J'ai passé un très bon moment ce soir-là, suivi d'une cérémonie de remise de prix le lendemain. J'ai reçu tellement de partage, d'amour, de joie et de positivité de la part des insulaires, de mes amis et de mon entourage présents ou à distance.
"Cette expérience a conclu ma saison de course 2019 de manière mémorable. J'en ai et j'en garderai des souvenirs gravés dans ma mémoire. Elle renforce encore davantage ma passion pour le trail ultra distance." Anne Champagne
Apprenez-en plus sur Anne Champagne, notre ambassadrice Näak ici !
Laisser un commentaire